SONDAGE. Dans les médias, les Français veulent moins de Covid et davantage de climat

SONDAGE. Dans les médias, les Français veulent moins de Covid et davantage de climat

Selon une enquête réalisée dans le cadre des Assises du journalisme, une majorité de citoyens rejette le catastrophisme et souhaite que la question environnementale soit davantage traitée, au contraire de la crise sanitaire dont ils sont rassasiés. Ils veulent aussi des solutions concrètes.

« Sur la crise sanitaire comme sur l’urgence climatique, la question qui se pose aux médias est claire : comment parler de ces sujets anxiogènes sans créer de l’anxiété? » Jérôme Bouvier, le président de l’association Journalisme et Citoyenneté, qui organise les Assises internationales du journalisme cette semaine, résume ici les résultats d’un sondage Viavoice commandé pour cet événement par Le Journal du Dimanche, France Médias Monde, France Télévisions et Radio France (voir la méthodologie en fin d’article). Il poursuit : « C’est une vraie interpellation de la profession avec une exigence de responsabilité sur le traitement de ces deux sujets : les médias doivent apporter des solutions constructives, raconter aussi ce qui fonctionne et ne pas se résoudre au catastrophisme. »

Covid-19 : le traitement est jugé excessif et anxiogène

Interrogés sur la façon dont la pandémie a été traitée par les médias, les Français placent les adjectifs suivants en tête : excessive (45%), anxiogène (45%), catastrophiste (33%). Suivent les mots émotionnelle et mensongère, avant qu’arrivent, enfin, des notions plus positives, notamment utile et concrète. « C’est un des grands enseignements, qu’on observait déjà l’an passé mais il a augmenté au fur et à mesure que l’épidémie a été maîtrisée : les Français ont de plus en plus jugé le traitement catastrophiste avec une hausse de 5 points en un an. »

Covid-19 : la télé reste privilégiée ; les réseaux sociaux reculent

Pour s’informer sur le Covid, les Français ont privilégié les journaux télévisés (56%, – 5 points par rapport à octobre 2020), devant les chaînes d’info en continu (34%, – 1 point), les titres de presse écrite – en papier ou en numérique (30%, moins 2 points). Les journaux radios (29%, – 2 points), les médias numériques (24%, – 3 points) et les réseaux sociaux proposés par la communauté (11%, – 9 points, la plus grosse chute) suivent.

Covid-19 : l’information est jugée utile

60% des Français jugent que l’information proposée sur le Covid leur a été utile et 36% pensent le contraire. L’utilité a reculé de 7 points depuis octobre 2020 ; signe que la connaissance de la maladie a progressé. « Les Français ont pris leur marque avec l’épidémie », indiquent Adrien Broche et Stewart Chau, de l’institut Viavoice.

Covid-19 : les médias ont alimenté ou profité de la peur

40%, dans une autre question, pensent que le travail des journalistes a alimenté la peur de la pandémie, 34% que cette peur a été utilisée pour faire de l’audience et seulement 14% que les médias les ont aidés à maîtriser et à combattre cette peur. Les sentiments négatifs ont augmenté en un an, ainsi que le montre le graphique détaillé ci-dessous. Ce sont les personnes âgées et les personnes membres de catégories professionnelles plus basses qui sont les plus critiques.

Covid-19 : les médias ont accordé trop de place à l’épidémie

Ainsi 60% des Français estiment que la place accordée à la pandémie par les médias a été trop importante (même score qu’il y a un an). Cette proportion est plus importante chez les 25-65 ans que chez les moins de 24 ans et les plus de 65 ans.

Climat : les médias ne lui accordent pas assez de place

A contrario 53% trouvent que la question du changement climatique et de l’environnement n’est pas assez présente dans les médias. Ce chiffre est en hausse de 5 points par rapport à février 2020, signe de la prise en compte du sujet par les Français. 30% pensent que la place accordée est la bonne et 13% qu’elle est trop importante.

Climat : le traitement est jugé anxiogène et catastrophiste

Pour qualifier son traitement, les adjectifs anxiogène (35%), catastrophiste (33%), moralisante (25%) arrivent en tête. Les adjectifs positifs tels que mesuré, pragmatique ou pédagogique arrivent plus loin, ainsi que le montre le graphique ci-dessous.

Climat : les Français se disent informés mais…

61% se disent tout à fait ou plutôt suffisamment informés sur ce sujet. « Mais si l’on regarde dans le détail, il y a 50% des Français qui répondent seulement ‘Oui, plutôt’ ; la couverture de ce sujet est donc perfectible », décryptent Adrien Broche et Stewart Chau, de l’institut Viavoice.

Climat et Covid : les Français veulent des solutions

« Pour rendre compte de ces deux crises différentes, les Français ont un même souhait : ils veulent en priorité un traitement positif, constructif, qui leur apporte des solutions, à la fois dans les actions au quotidien mais aussi dans leur compréhension du sujet via le fact-checking, détaillent Adrien Broche et Stewart Chau, de l’institut Viavoice. Les médias doivent aussi se positionner en partenaires de l’action. »

Comme le montrent les deux graphiques ci-dessous, la demande première des Français est celle d’informations constructives, qui proposent des solutions pour se protéger de la maladie ou lutter contre le changement climatique. Cette demande est en forte hausse concernant la question environnementale.

« Ce n’est pas seulement du déclaratif, témoigne Jérôme Bouvier, le président de Journalisme et Citoyenneté. Plusieurs exemples montrent que le journalisme positif fonctionne aussi d’un point de vue commercial. »

Climat : « le factuel est déjà assez alarmant »

Ce constat est partagé par le climatologue Christophe Cassou, directeur de recherche au CNRS : « Il n’y a pas besoin de passer par le catastrophisme pour informer sur la crise climatique parce que le factuel est déjà assez alarmant. » « On ne peut plus seulement traiter les phénomènes climatiques avec des images impressionnantes en disant à chaque fois ‘waouh, c’est inédit’, poursuit-il. Parce que tout ça s’inscrit dans une continuité. »

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Il faut une stratégie à long terme ; et que la question du climat ne soit pas cantonnée à la rubrique environnement des médias
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Coauteur du rapport du Giec publié le 9 août, il juge que les médias s’en sont « plutôt bien emparés sur le moment » : « Mais, très vite, on est passé à autre chose alors qu’il faut une stratégie à long terme ; et que la question du climat ne soit pas cantonnée à la rubrique environnement des médias. Les journalistes qui traitent de politique ou d’économie notamment doivent traiter de la question climatique. »

Plusieurs journalistes ont demandé à Christophe Cassou quand sera atteint le fameux seuil de 1,5 degré. « Ce n’est pas ça la question car le sujet est un sujet de fond, mais ils voulaient une date précise. » De même, il ne se juge pas pertinent pour donner des solutions. « Ce n’est pas mon rôle mais celui des décideurs de répondre à ça », dit-il. Ainsi, le chercheur réfléchit avec plusieurs de ses collègues à une façon de créer des passerelles entre la communauté scientifique et les journalistes.

L’empreinte climatique des médias est importante pour les Français

Cette stratégie doit aussi être menée en interne dans les médias. Puisque 58% des Français déclarent que connaître les engagements d’un média (presse, radio, télévision, web) pour limiter son impact environnemental les encouragerait à le consommer au détriment d’un autre moins respectueux de son empreinte écologique (28% pensent le contraire et 14% n’ont pas d’opinion).

Ce que les Français pensent des journalistes et des experts

Les Français sont assez durs avec les journalistes, puisque 35% seulement pensent que les journalistes sont suffisamment outillés, que leur culture scientifique est suffisante pour répondre à la nécessité de fournir des informations vérifiées et fiables scientifiquement.

Concernant les experts, une grande majorité pensent qu’ils ont été utiles pour comprendre la situation de la pandémie et ses enjeux. Il en est de même concernant la question climatique.

Mais ils souhaitent davantage de transparence à l’égard des experts. 52% des Français souhaiteraient connaître quels sont précisément leurs domaines de spécialité ; 38% savoir qui finance leurs travaux ; et 10% disposer de sa biographie.

« Si les Français comptent sur les experts, ils ne veulent pas seulement des débats contradictoires, ils veulent que les journalistes jouent davantage le rôle de médiateurs et, surtout, donnent leur propre expertise, bref départagent les experts, indiquent Adrien Broche et Stewart Chau, de l’institut Viavoice. On assiste à un passage de relais entre les experts et les médias. »

Le Covid est 94 fois plus présent dans la presse que le climat depuis janvier 2020

La fin espérée de la crise sanitaire mettra-t-elle l’urgence climatique à la une? En attendant, ce sentiment d’excès de Covid est confirmé par les chiffres. Pour le JDD, la principale plateforme de veille média Tagaday a réalisé une étude sur 3.000 titres de la presse française et sites d’info en ligne. Comme le montre les graphiques ci-dessous, cette étude indique que, depuis janvier 2020, il y a eu 94 fois plus d’articles consacrés au Covid (3,5 millions) qu’aux enjeux climatiques (37.369).

Un pic a néanmoins été observé cet été avec les catastrophes climatiques (records de chaleur, inondations, feux) notamment en Allemagne ou au Canada, avec le congrès de l’UICN consacré à la biodiversité et avec la publication du rapport du Giec. Il est retombé depuis la rentrée.

En ce qui concerne le reste de la présence des sujets climatiques publiée ci-dessous, le mini-pic de décembre 2020 est dû à la convention citoyenne pour le climat, et à l’annonce par Emmanuel Macron d’un référendum (enterré depuis, comme l’avait révélé le JDD) pour inscrire la préservation de la biodiversité, de l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique dans la Constitution. Par ailleurs, juste avant le début de la courbe en 2020, les Etats de l’UE se sont accordés pour réduire les émissions de CO2 de 55% d’ici à 2030 et la COP 25 avait eu lieu en décembre 2019.

Note Méthodologique

Étude réalisée par Viavoice pour les Assises internationales du journalisme de Tours, en partenariat avec France Télévisions, France Médias Monde, Le Journal du Dimanche et Radio France. Interviews réalisées en ligne, du 1er au 4 septembre 2021, auprès d’un échantillon de 1.000 personnes représentatif de la population française de 18 ans et plus. Représentativité par la méthode des quotas appliquée aux critères suivants : sexe, âge, profession, région et catégorie d’agglomération. Les rappels utilisés dans ce rapport sont issus de deux études précédemment réalisées pour les Assises du Journalisme: la première au mois de février 2020 (édition des Assises reportée et étude alors non publiée), la seconde au mois d’octobre 2020.

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